Extermination, loi, Israël

samedi 29 mai 2004.
 
[2003]-Extermination, Loi, Israël - Ethanalyse du fait juif, Paris, Les Belles Lettres.

Extermination, Loi, Israël - Ethanalyse du fait juif - 6 ko
Extermination, Loi, Israël - Ethanalyse du fait juif

Le but du livre est de faire comprendre en quoi consiste le fait juif, ce qui est important à son sujet et le caractérise en tant que fait insistant dans l’histoire. On suppose en effet que, bien que la conversation à son sujet soit chose très courante, et bien que de fort nombreux comportements se déterminent facilement à son sujet, il reste peu connu, peu perçu, mal appréhendé. Le fait juif est, en règle général, ce à quoi tout le monde s’intéresse et vis-à-vis de quoi chacun prend position sans hésiter, sans partir, la plupart du temps, d’authentiques éléments de compréhension à son sujet.
La méthode suivie est “phénoménologique”, en un sens très large : on essaie de saisir le fait juif tel qu’il s’annonce dans notre expérience contemporaine. Trois registres de manifestation sont a priori distingués : 1) nous connaissons le fait juif comme ce à quoi l’entreprise hitlérienne d’extermination a voulu mettre fin ; 2) nous connaissons le fait juif comme ce qui s’exprime dans une religion (le judaïsme), dont nous avons entendu dire qu’elle consiste elle-même en l’observance d’une loi  ; 3) nous connaissons le fait juif comme quelque chose qui a motivé la création d’un état au milieu du vingtième siècle, auquel a été donné le nom ancien et fameux d’Israël.
Commence alors un effort pour saisir ce qui se montre d’essentiel quant au fait juif dans chacun de ces registres, dans trois chapitres successifs.
Pour ce qui regarde l’extermination, on soutient que le fait juif s’y montre fait politique de sous-groupe au sein d’un groupe national. On présente le “problème du sous-groupe” comme le problème crucial de la démocratie politique en général. On évoque la façon dont les nazis ont, tout à la fois, travesti le sous-groupe juif en sous-groupe racial et pris au sérieux sa définition interne, l’élément abhorré étant son influence. On décrit la logique qui mène au meurtre et à sa dénégation à partir de cette hantise. On tente d’esquisser une morale de la tolérance du sous-groupe purement en seconde personne.
Pour ce qui regarde la loi juive, on explique pourquoi le fait juif s’y manifeste comme un fait rationnel, pour ainsi dire scientifique, en tout état de cause scolaire. On plaide, et c’est peut-être l’originalité principale du livre, que la bonne approche de ce qu’on appelle usuellement la religion juive est épistémologique. On essaie de procéder à une mise au point qui démarque la tradition de la loi juive du concept standard de religion, articulé autour des notions de foi, de promesse et de divinité. On s’attache à caractériser le type rationnel de cette tradition en comparant le savoir talmudique avec les mathématiques, la physique, la philosophie, la logique...
Pour ce qui regarde l’état d’Israël, on estime que le fait juif apparaît vis-à-vis de cet état comme un fait national, certes, mais sur un mode non conforme : au lieu que la relation au territoire national soit la relation géographique d’habitation, elle est une relation historique de destination. On essaie d’expliquer la notion d’état juif en termes de cette relation exceptionnelle, au terme de laquelle le peuple juif n’est pas tant celui qui habite Israël que celui qui doit y habiter ou celui qui entretient une relation de visée à son égard.
Dans le chapitre conclusif, on commence par tenter de déterminer l’unité de ces trois modes de manifestation du fait juif : unité, qui, pour une approche phénoménologique, fixe le sens suivant lequel nous pouvons envisager comme un objet unique stable le fait juif. Le trait décisif de cette unité est analysé comme le trait du hors-être : dans chacun de nos registres de manifestation, le fait juif apparaît comme intéressé à ce qui “compte” au-delà de l’être, ou comme dérogeant aux formes normales de l’inscription dans l’être, notamment historique ou politique.
Dans la seconde section de la conclusion, on se donne l’objectif de répondre à la question “A quoi bon le fait juif ?” ou “Pourquoi le fait juif ?”, c’est-à-dire que l’on essaie de dire ce qu’apporte l’insistance obstinée de ce fait juif dans l’histoire, quel horizon pour l’humanité il dessine et propose. La thèse soutenue est alors que, par son indexation sur le hors-être, le mode d’existence juive nous invite, nous l’humanité, à nous enfermer dans ce qui est strictement humain en tournant le dos à ce qui est divin ou naturel.
Le livre est écrit par un philosophe et l’approche du sujet traité est dans son fond philosophique, mais il est rédigé dans la langue commune, et tous les efforts sont faits pour que la matière exposée le soit avec une clarté maximale, dans un souci d’explication et d’enseignement. Il peut intéresser tous ceux qui ont envie de réfléchir sur la condition juive ou de comprendre ce que le judaïsme a de propre, et qui ne se satisfont pas d’un point de vue exclusivement existentiel, pathétique et polémique sur un tel sujet.


Répondre à cet article

Forum