Action et dŽcision

Il semble impossible de rŽflŽchir sur la dŽcision sans sÕen remettre ˆ un modle dŽlibŽrationniste de lÕaction. DŽcider, nÕest-ce pas ce qui se produit ˆ lÕissue dÕune dŽlibŽration, mettant fin ˆ celle-ci et conduisant ˆ lÕexŽcution de ce qui a ŽtŽ dŽcidŽ ? Ce quÕon dŽcide, nÕest-ce pas toujours quelque chose quÕon a projetŽ ? La dŽcision nÕest-elle pas nŽcessairement, pour nous rŽsumer, lÕinstant crucial du scŽnario de lÕaction qui commence par sa prŽfiguration mentale (ou, de nos jours, propositionnelle) ?

On pourrait accepter de gaietŽ de cÏur dÕenvisager la dŽcision dans cette optique dŽlibŽrationniste si, sous un tel Žclairage, elle devenait transparente, si toutes les difficultŽs disparaissaient ˆ son sujet ds lors quÕon avait consenti ˆ un tel rŽfŽrentiel. Mais ce nÕest pas le cas. Comme plusieurs approches conceptuelles historiquement tentŽes lÕont illustrŽ, comme les stances cornŽliennes ou lÕhŽsitation dÕHamlet le manifestent, la dŽcision reste incomprŽhensible dans le cadre dŽlibŽrationniste quÕelle para”t exiger.

Son fiat, en effet, ne peut se marquer que par une dŽclaration qui la revendique : Ç je vais provoquer Don Gormas et cÕest ce que jÕai dŽcidŽ È ou, mieux encore Ç ˆ lÕissue dÕune dŽlibŽration o jÕhŽsitais entre mon honneur et mon amour, jÕai dŽcidŽ de donner la prŽvalence ˆ mon honneur, ce qui mÕamne ˆ provoquer Don Gormas en duel È. La dŽlibŽration dŽgage certaines options comme celles de lÕaction, options que dŽcrivent typiquement des propositions, en tout cas des ŽlŽments linguistiques[1]. Mais la dŽcision de la dŽlibŽration semble consister simplement dans la distinction de P ou de non P, lÕaffectation dÕune sorte de lumire de la sŽlection ˆ lÕune ou ˆ lÕautre, sans que lÕon sache le moins du monde dÕo elle vient, en quoi consiste le processus qui amne au marquage de lÕune des deux options (pour nous limiter au cas de deux options) : le fiat est restituŽ par le marquage, mais n'est en aucune manire expliquŽ ou compris.

On peut encore prendre lÕexemple dŽlibŽrationniste du jury dÕexamen. Les notes sont rŽpertoriŽs, les totaux calculŽs, le livret pris en compte, et, finalement, un Ç prŽdicat dÕexamen È (du type reu mention AB) est attribuŽ ˆ lՎlve, par le biais dÕun marquage sur le procs-verbal. La dŽcision consiste en une mise en relief formel dÕun contenu symbolico-propositionnel, mais son processus lui-mme demeure, une fois de plus, insaisissable. Je veux dire par lˆ que la dŽcision Žmane dÕune maturation psychique personnelle ou psychique collective qui peut prendre des formes infiniment variŽes, et le cheminement qui la prŽcde ne semble ne nous donner aucune information essentielle sur ce en quoi elle consiste. On pourrait demander, par exemple : y a-t-il, sur le plan de lÕintŽrioritŽ, quelque chose dՎquivalent ˆ la mise en vedette sur le plan de lÕinscription qui appara”t comme la seule trace ou manifestation de la dŽcision ? LorsquÕelle choisit de me quitter plut™t que de rester avec moi, le biffage de lÕamour figure-t-il sur une page de quelque agenda intime ?

Ce qui prŽcde nÕest quÕune esquisse de discussion, et, de toute manire, nÕannonce pas de faon complte la rŽflexion qui vient, dans laquelle je vais essayer de sortir du cadre dŽlibŽrationniste.  En fait, ma faon de procŽder sera trs simple : je vais mÕappuyer sur un travail antŽrieur, au sein duquel jÕai essayŽ de rŽpondre, sur un mode trans­cen­dan­tal, ˆ la question Ç QuÕest-ce que lÕaction ? È, cÕest-ˆ-dire de dŽgager les ŽlŽments de signi­fi­cation qui Žtaient requis pour que je puisse considŽrer quelque chose comme une action (partant de lÕhypothse que tout nÕest pas tout le temps action ou partie dÕaction, que le repŽrage des actions au sein de lՐtre Žtait une discrimination). Dans ce travail, jÕai proposŽ une dŽfinition gŽnŽrale de lÕaction et trois modles thŽoriques, trois faons systŽmatiques de satisfaire ˆ la dŽfinition gŽnŽrale. Je vais donc Žvoquer cette dŽfinition, puis chacun de ces modles, et me demander comment la dŽcision dÕune action relevant de chacun de ces modles peut tre envisagŽe a priori. Puis je chercherai ˆ tirer le bilan de cette brve investigation.

Je dŽfinis donc une action, dans Modles et pensŽes de lÕaction[2], comme une impulsion rŽsultative en laquelle un supp™t sÕimplique et se rassemble. Cette dŽfinition conjoint deux moitiŽs.

DÕune part, une action est un processus, dont le trait caractŽristique et de raccorder suivant une continuitŽ un commencement qui le lance (une impulsion) ˆ un Žtat final o le processus sÕachve (un rŽsultat). Une action est un processus en lequel se donne ˆ lire un rŽsultat, qui lui mme rŽvle lÕimpulsion dont il est indŽchirable, avec laquelle il est continu.

DÕautre part, une action est un comportement, un supp™t endure lÕaction, accompagne sa trajectoire de manire non indiffŽrente : le supp™t, quÕon appelle en gŽnŽral lÕagent, est la mise de lÕaction, il est ce qui sÕembarque en elle, la charge tout le long de son processus, jusquՈ sa rŽsolution. Ce supp™t sÕimplique, ce qui veut dire Žvidemment quÕil doit tre donnŽ avant elle, sinon il nÕy aurait aucune mise, lÕaction ne pserait sur le destin dÕaucune entitŽ. Mais le supp™t nÕest pas indŽpendant quant ˆ son identitŽ de lÕaction, en elle et par elle il se rassemble : nous devons donc le concevoir comme enveloppant une diversitŽ, que le processus de lÕaction convoque et rassemble par le fait mme de cette convocation et de lÕendurance assumŽe de la trajectoire de lÕaction. Grossirement, le supp™t qui sÕimplique et se rassemble est le lieu de ma dŽfinition o lÕon pourra retrouver lÕinstance du sujet, elle est ce qui par excellence permet, et dans une certaine mesure appelle lÕindexation de lÕaction ˆ lÕhomme. Mais, comme mon livre le montre, elle nous laisse encore une assez grande marge de libertŽ pour identifier le supp™t en question, pour choisir la figure anthropologico-subjective dont on fait la clef de lÕaction : cette figure peut, ainsi, tre trouvŽe dans la conscience, dans le corps ou le texte, pour citer trois possibilitŽs que mon livre envisage.

Ajoutons encore, pour favoriser la bonne comprŽhension de cette dŽfinition, quÕelle est supposŽe tre une dŽfinition transcendantale. Mon idŽe est que toute connais­sance lŽgitime de lÕaction, toute Žventuelle science de lÕaction doit en passer par ce que nous prŽ-comprenons comme action, par ce que nous anticipons et prescrivons comme le thme de lÕaction, quÕil y a un contenu prŽ-technique auquel la thŽorie de lÕaction ne peut quՐtre assujettie. Ce que nous appelons une action, cÕest nŽcessairement une segmentation du flot universel du devenir de toutes choses, segmentation rŽpondant ˆ un certain type, satisfaisant ˆ certaines conditions. Ma dŽfinition est supposŽe exprimer les conditions a priori sous lesquelles la segmentation dÕun processus comme action est lŽgitime, les conditions de la recognition correcte dÕune action comme telle. Elle prŽtend ne rien faire dÕautre que mettre ˆ plat ce que nous comprenons par principe et a priori sous le mot action, et qui commande donc ˆ toute thŽorisation plus systŽmatique et plus complte de lÕaction ou de certaines sortes dÕactions.

Justement, dans le livre, je ÒdŽveloppeÓ cette dŽfinition gŽnŽrale en trois grands ÒmodlesÓ, cÕest-ˆ-dire en trois systŽmatisations ÒconstruisantÓ lÕaction conformŽment ˆ la dŽfinition gŽnŽrale, proposant ˆ la pensŽe dÕun seul coup toute une gamme de processus relevant de la catŽgorie de lÕaction en mme temps quÕune faon de les apprŽhender et de les conna”tre. Ces trois modles sont le modle de lÕactualisation, le modle de lÕacte de langage et le modle de la construction. Je vais rapidement prŽsenter chacun dÕeux, et, dans la foulŽe, me demander comme la dŽcision doit tre conue si elle doit tre la dŽcision dÕune action relevant de ce modle.

LÕactualisation

Je commence, donc, par le modle de lÕactualisation. CÕest, si lÕon veut, le modle physicaliste de lÕaction. Pour un regard inspirŽ par la vision de la nature qui est celle de la science la plus fondamentale, un processus est ce quÕon appelle un systme dynamique, et dire que ce processus rŽsulte, cÕest dire quÕil se stabilise. On peut expliquer de faon plus prŽcise ce quÕest un systme dynamique, en termes dÕun objet mathŽ­ma­tique contemporain, et ce quÕest la stabilisation dÕun processus, en faisant intervenir la notion dÕattracteur. Pour les besoins du prŽsent article qui se veut absolument gŽnŽraliste, nous nous en tiendrons ˆ lÕidŽe informelle de systme dynamique et de stabilisation, en ajoutant cependant que cette vision du processus de lÕaction, nŽcessairement, le gŽomŽtrise. ForcŽment, lorsque nous observons une stabilisation relativement ˆ un systme dynamique, nous avons une perspective gŽomŽ­tri­que sur lÕensemble des trajectoires possibles liŽes au systme dynamique considŽrŽ, cela dŽcoule en quelque sorte des voies gŽnŽrales de lÕobjectivation qui sont celles de la physique mathŽ­ma­tique. Donc, la continuitŽ de lÕimpulsion et du rŽsultat sÕexprime dans lÕobjet gŽomŽ­tri­que trajectoire qui conduit de la premire au second. LÕimpulsion, de son c™tŽ, est nŽcessairement incarnŽe par la Òtendance au dŽplacementÓ qui affecte le point origine de la trajectoire, et qui sera, dans la logique du modle, un vecteur auquel la trajectoire, dans son Žlan premier, doit tre tangente. Ce vecteur est appelŽ ˆ valoir comme le premier vecteur-vitesse du processus, pour dire les choses dans le langage galilŽo-newtonien du mouvement, dont la conception ici ŽvoquŽe de la stabilisation dÕun systme dynamique est la descendante et lÕhŽritire. Disons encore, pour faire entendre dans sa puissance de gŽnŽralitŽ ce modle, que depuis RenŽ Thom, nous savons que nous pouvons aussi rapporter ˆ ce schme thŽorique le processus dÕacquisition dÕune qualitŽ : il suffit, pour rŽsumer les choses et dire lÕessentiel, de voir une qualitŽ comme toujours en compŽtition avec dÕautres qualitŽs, et dÕidentifier dans le modle chacune ˆ un attracteur dÕun systme dynamique, en telle sorte que la trajectoire unique (et, du mme coup nŽcessaire) passant par tout point du domaine de la dynamique amne ce point en une rŽgion qui ÒditÓ une qualitŽ.

Tel quel, dans la formule gŽomŽtrico-dynamique ˆ laquelle il sՎgale, ce modle de lÕactualisation semble seulement prŽsenter une impulsion rŽsultative et pas une vŽritable action, la part Ç en laquelle un supp™t sÕimplique et se rassemble È para”t faire dŽfaut. Le point de vue physicaliste, cela dit, suggre une manire d'y remŽdier : il suffit que le domaine o se joue le systme dynamique puisse tre ÒimputŽÓ ˆ lÕhomme, ˆ la faveur dÕun mode dÕobjectivation quelconque de celui-ci. En sciences cognitives, on essaiera typiquement de reconna”tre dans la physiologie du cerveau ce qui supporte et incarne le systme dynamique en question, auquel cas les stabilisations dŽcrites par le modle deviennent ce quÕendure le cerveau, promu de la sorte supp™t de ce qui en fin de compte appara”t comme une action au sens complet. LÕimputation minimale du processus rŽsultatif ˆ lÕhomme est lÕimputation mŽcanique, o cÕest simplement le dŽplacement de son corps qui est pris comme intrigue dynamique rŽsultative (jusquÕau franchissement dÕune frontire, par exemple). Ces modŽlisations de lÕaction sont insatisfaisantes pour ce motif que, mme si elles parviennent de manire plausible ˆ rattacher le processus dÕune imputation rŽsultative ˆ lÕhomme (pris dans sa matŽrialitŽ), elle ne nous montrent gure le supp™t comme sÕimpliquant et se rassemblant, du moins a priori. Peu importe, nous devons prendre en considŽration ce modle, parce quÕil est le seul, on va le voir, apte ˆ accueillir lÕaction comme action absolument tangible, ˆ satisfaire ˆ une certaine demande matŽrialiste ou empirique portant sur lÕaction. Pour illustrer ce dernier point, si lÕaction que je me reprŽsente est la prise du palais dÕhivers en 1917, les courses effrŽnŽes en vue de passer une grille, franchir un couloir, les meurtres de corps ennemis ne pourraient tre thŽoriquement dŽcrits quÕen termes de ce modle.

Mais pour le temps de ce bref article, la seule chose qui compte est le statut que pourrait avoir la dŽcision dans le contexte de cette vue modŽlisante de lÕaction. Or, on est Žvidemment tentŽ, en raison de ce contexte essentiellement gŽomŽtrisant, de voir la dŽcision comme le choix contingent du vecteur dÕimpulsion originaire, lanant le point sur une trajectoire parfaitement individuŽe. Mais est-il conforme ˆ lÕesprit de ce modle dÕenvisager un tel arbitrage sŽlectif ? Le modle prŽsente ˆ vrai dire plut™t ce quÕon appelle un champ de vecteur, cÕest-ˆ-dire quelque chose qui assigne ˆ chaque point du domaine concernŽ un tel vecteur dÕimpulsion, en sorte quÕon suppose une  sorte de contrainte dÕensemble qui distribue des impulsions non choisies sur tout un domaine. Reste la possibilitŽ de concevoir que la trajectoire Òse dŽcideÓ dans son vecteur tangent ˆ chaque instant, ˆ condition de voir ce vecteur tangent comme Žmanant dÕelle et plus de la contrainte extŽrieure : il est la rŽcapitulation de son passŽ, individuŽ comme tendance au dŽplacement, prescription directionnelle et quantitative du mouvement juste ˆ venir ; le vecteur dŽrivŽ dÕune trajectoire peut tre compris comme une sorte de protention du mouvement, comme une anticipation par la trajectoire de sa suite.

Oublions le contexte de systmes dynamiques. Le problme qui se pose, en fait, est celui de la possibilitŽ de penser la dŽcision dans le continu. La situation dŽlibŽrative classique est celle dÕune instance de sŽlection ayant ˆ sa disposition, Žtendue sous son regard et offerte ˆ son option, une batterie finie dÕoptions clairement distinctes et sŽparŽes les unes des autres, un rŽpertoire discret de possibles en bref (venger son honneur ou prŽserver son amour). Mais peut on retrouver le climat et le sens de la dŽlibŽration et de la dŽcision contingente si les possibles constituent un Žventail continu, dont chacun se mle dans un contact infinitŽsimal ˆ ses voisins proches ?

Bergson, au fond, discute de ce problme et lui apporte sa rŽponse dans les Essais sur les donnŽes immŽdiates de la conscience. Il imagine en effet que lÕon se reprŽsente un choix libre en termes dÕune bifurcation de trajectoire en un point O. Je reproduis ci-dessous la figure quÕil propose en guise dÕillustration :

Et Bergson argumente que cette reprŽsentation conduit infailliblement au dŽterminisme :

Ç Or, il est facile de voir que cette conception vŽritablement mŽcaniste de la libertŽ aboutit, par une logique naturelle, au plus inflexible dŽterminisme. LÕactivitŽ vivante du moi, o nous discernions par abstraction deux tendances opposŽes, finira en effet par aboutir, soit ˆ X, soit ˆ Y. Or, puisque lÕon convient de localiser au point O la double activitŽ du moi, il nÕy a pas de raison pour dŽtacher cette activitŽ de lÕacte auquel elle aboutira, et qui fait corps avec elle. Et si lÕexpŽrience montre quÕon sÕest dŽcidŽ pour X, ce nÕest pas une activitŽ indiffŽrente que lÕon devra placer au point O, mais bien une activitŽ dirigŽe par avance dans le sens OX, en dŽpit des hŽsitations apparentes È[3].

LÕunitŽ du continu, qui en est pour Bergson une caractŽristique essentielle, implique dÕune part la non sŽparabilitŽ des aspects spatiaux et temporels dans le mouvement, dÕautre part la non sŽparabilitŽ des points ou des phases dans la durŽe, et en fin de compte, ˆ ses yeux, la prŽdŽtermination nŽcessaire de la courbe par elle-mme : si la trajectoire est venue vers X, cՎtait sa tendance directionnelle en 0, ce qui semble bien dire quelque chose comme une auto-prescription de la courbe par  ses vecteurs tangents.

Nous pourrions, Žvidemment, objecter ˆ Bergson que son dŽterminisme ne vaut pas, du moins dans le cadre trajectoriel de la discussion et en acceptant la doctrine mathŽ­ma­tique classique de la gŽomŽtrie diffŽrentielle. Non seulement un mme vecteur tangent peut donner lieu ˆ des Òsuites de trajectoiresÓ fort diverses, mais, mme lÕidentitŽ de deux trajectoires sur tout le passŽ et dans tous les vecteurs dŽrivŽes successifs jusquՈ lÕinfini au point de bifurcation nÕempche pas la bifurcation[4]. On a envie de gloser ce genre de phŽnomne en affirmant que la conception cantorienne ensembliste du continu a mis en relief la ÒpossibilitŽ de choixÓ que recle le continu : lÕensemblisation a prŽcisŽment cet effet de faire appara”tre tout objet liŽ au continu comme tributaire dÕun Òchoix infiniÓ, impliquant une infinie contingence (par exemple, une application de R dans R est ÒdŽcidŽeÓ par le choix infini de lÕimage de chaque x du R source), choix auquel de plus le cŽlbre et controversŽ axiome du choix donne un statut objectif[5].

Pour conclure cette section, nous avons envie de dire deux choses contradictoires, Žtant entendu que le modle de lÕactualisation a tendance ˆ nous faire voire la dŽcision comme le choix du vecteur incarnant lÕimpulsion : dÕun c™tŽ, le contexte gŽnŽral de modŽlisation mathŽ­ma­tique dÕun processus conduit plut™t ˆ apprŽhender lÕidentitŽ des vecteurs tendanciels en termes dÕune nŽcessitŽ fonctionnelle ambiante ; dÕun autre c™tŽ lÕinterprŽtation contemporaine du continu mathŽ­ma­tique nous ouvre la possibilitŽ de prolonger la situation dŽlibŽrative et la contingence de lÕoption au plan de lÕobjectivitŽ mathŽ­ma­tique liŽe au continu, ce qui nous permettrait, ˆ la limite, de nous reprŽsenter la ÒdŽcisionÓ humaine dans le processus dÕune action comme sŽlection contingente ˆ nouveau.

LÕacte de langage

Austin est fort cŽlbre pour avoir Žcrit le petit livre How to do things with words, dont nous avons traduit le titre par Quand dire, cÕest faire. Ce livre explique quÕil y a des actions purement verbales, et, comme il est rŽdigŽ, ne semble nullement poser le problme de lÕaction ou prendre une option sur lÕessence de ce qui est appelŽ usuellement action. Pourtant, dans lÕaprs-coup du livre, ˆ lÕoccasion de lÕimmense succs rencontrŽ par la conceptualisation de lÕacte de langage, il est apparu, il me semble, que lÕacte de langage Žtait un exemple Žminemment reprŽsentatif du concept dÕaction, au point quÕil Žtait possible de lÕenvisager comme une sorte de paradigme de lÕaction, dont nous tirions au fond la meilleure image thŽorique de ce quÕest une action. JÕai tendance ˆ penser que lÕexploitation habermasienne dÕAustin ˆ travers Searle en tout cas, pour le peu que jÕen ai compris, va dans ce sens, dans la mesure o elle utilise le rŽfŽrentiel de lÕacte de langage pour Žtudier en gŽnŽral  la pratique humaine en tant que pratique sociale (la Òpragmatique transcen­dan­taleÓ de Apel  correspond, ˆ nouveau si je suis bien informŽ, ˆ une option similaire).

Pour nous, cette reprise gŽnŽralisante, inversant le statut dÕexemple en statut de modle, suppose au moins que lÕon puisse retrouver, dans le cas de lÕacte de langage, les ŽlŽments de notre dŽfinition gŽnŽrale.

De fait, lÕacte de langage nous met en prŽsence dÕune impulsion rŽsultative, dÕun genre un peu particulier : lÕimpulsion est, en substance, lՎnonciation, cependant que le rŽsultat est lՎnoncŽ. Nous nous reprŽsentons en effet lÕextŽriorisation de langage comme procŽdant dÕun ÒjetÓ, que dŽnomme le mot Žnonciation dans le cas o ce qui est jetŽ, cÕest un ŽnoncŽ. Nous voyons donc aussit™t le rapport dÕenveloppement mutuel qui sՎtablit entre lÕimpulsion et le rŽsultat. Le jet se dŽnomme et sÕidentifie ˆ vrai dire par le jetŽ, par le rŽsultat : une Žnonciation sÕindividue et se dŽsigne dans et par lՎnoncŽ auquel elle conduit ; on ne peut jamais ÒdisposerÓ dÕun ŽnoncŽ autrement quÕen se rapportant ˆ une de ses ҎnonciationsÓ (mme dans le cas de la lecture dÕun ŽnoncŽ Žcrit, on doit considŽrer que lÕinscription anime une Žnonciation mentale qui fait toute lÕactualitŽ de lՐtre-actuel-pour-le-lecteur de lՎnoncŽ). LÕimpulsion de lՎnonciation et le rŽsultat de lՎnoncŽ sont dans un rapport mutuelle fondation, du type de ce que Husserl appelait dans Philosophie de lÕarithmŽtique Òliaison mŽta­phy­siqueÓ, et dont il reprenait ˆ Stumpf certains exemples, comme celui de la relation entre timbre, intensitŽ et hauteur en tant que parties dÕun son. Nous avons donc, dans le cas de lÕacte de langage, un processus du type impulsion rŽsultative sans trajectoire, et sans rŽfŽrence au continu de la modŽlisation physique du rŽel).

Avons-nous aussi un supp™t qui sÕimplique et se rassemble ? Cela peut se dire et se soutenir, mais il faut pour cela revenir sur lÕidentification thŽorique du rŽsulter de lÕaction. LՎnoncŽ, en effet, peut, Austin nous lÕenseigne, tre envisagŽ comme pur assemblage de mots en langue (rŽsultat dÕun acte locutoire), comme esquisse dÕun mode dialogal, consignation dÕun contrat portant sur lՎchange linguis­tique (rŽsultat dÕun acte illocutoire), ou comme entitŽ psychologiquement agissante sur le destinataire (rŽsultat dÕun acte perlocultoire). Lorsque jՎnonce Ç Je te promets la lune È, mon rŽsultat est ou bien le pur et simple assemblage de mots correct de la phrase (acte locutoire), ou bien la promesse que je fais, dŽterminant ma ou mon destinataire ˆ attendre la lune de moi, et me dŽterminant ˆ tre en dette de la lune auprs dÕelle ou de lui (acte illocutoire), ou bien un don affectif de nature ˆ combler, exalter, faire couler des larmes de joie ˆ la limite (acte perlocultoire). Le faire quÕAustin a en vue, cÕest clairement le faire illocutoire, cÕest lui quÕil veut mettre en vedette, quÕil veut faire prendre en compte alors quÕil est naturellement dissimulŽ. On peut dire que, dans lÕacte illocutoire, lÕagent de cet acte (lՎnonciateur) assume un r™le, celui de la saynte sociale esquissŽe dans le contrat illocutoire (par exemple, le r™le dÕobligŽ par sa propre promesse, faisant face ˆ lÕespŽrance lŽgitime de la ou du destinataire de la promesse). Dans cette mesure, il sÕimplique, et, mme, accepte une sorte de projection de toute sa subjectivitŽ sur la seule composante pertinente de ce r™le, en sorte quÕil nÕest pas absurde dÕaffirmer quÕil se rassemble, ˆ la faveur de lÕacte illocutoire, en le r™le rŽsultant de cet acte. Il semble dÕailleurs, ˆ y rŽflŽchir, que cet implication-rassemblement fournisse le modle de lÕintervention du sujet dans une structure sociale : ce nÕest pas en raison dÕune clause lŽonine dÕaliŽnation que je mՎgale ˆ un r™le dans mon opŽration sociale (typiquement le travail), mais en raison de lÕessence mme de la sorte dÕaction quÕest lÕintervention sociale, habillage collectif, conventionnel et symbolique dÕune forme illocutoire profonde.

Mais comment sommes nous appelŽs ˆ regarder la dŽcision dans ce modle de lÕaction ?

Vue au niveau de lÕacte locutoire, la dŽcision est le choix libre-contingent des unitŽs pour chaque place de lՎnoncŽ en train de rŽsulter. A la suite de Jakobson, reprenant lui-mme une vision qui est dŽjˆ celle de Saussure, nous pouvons nous reprŽsenter ce choix comme choix dÕun ŽlŽment dÕun paradigme ˆ chaque fois. En fait, une composition de phrase nÕa jamais lieu sur ce mode, comme sÕil sÕagissait de fabriquer un nouveau cocktail dans un laboratoire o lÕon disposerait de toutes les liqueurs possibles et imaginables en quantitŽs ad libitum. LՎnoncŽ vient dÕun seul coup, apportŽ par un esprit qui est entirement ˆ ce quÕil vise par lՎnoncŽ, et pour qui les mots se sont soulevŽs dÕeux-mmes, comme entra”nŽs par lՎlan expressif, ainsi que Merleau-Ponty lÕa si bien dŽcrit. Reste que nous ne pouvons nous reprŽsenter la dŽcision de lՎnoncŽ, pour elle-mme et proportionnellement ˆ ce quÕelle est tant que je ne considre que lÕacte locutoire, autrement que comme cette combinaison de sŽlections lexicales (tout juste faut-il, si lÕon veut amŽliorer lÕexactitude dÕune description de cette sorte, introduire des Òformes syntaxiquesÓ que lÕon peut elles-mmes choisir, et qui appellent, ˆ travers certains intermŽdiaires, ultimement la sŽlection dՎlŽments lexicaux : cela nous amne, en bref, ˆ nous reprŽsenter la dŽcision de la phrase comme liŽe ˆ la sŽlection de rgles de rŽŽcriture et de mots dÕun vocabulaire terminal, conformŽment au schme exposŽ par Chomsky il y a prs d'un demi-sicle).

Mais si nous regardons lÕaction au niveau illocutoire, la dŽcision consiste, visiblement, dans lÕengagement : la ÒdŽcisionÓ dÕune promesse ne peut tre que ce basculement pas forcŽment conscient du moi par lequel il va au devant de la responsabilitŽ de la promesse. Cet engagement est toujours contingent, il est toujours libre, au sens o ma promesse peut faire que son non-accomplissement me soit imputŽ, ce qui signifie que je serai toujours considŽrŽ comme quelquÕun qui aurait pu ne pas promettre et qui a choisi de le faire, et sur qui psent donc les obligations liŽes ˆ la promesse, il lÕa voulu ainsi. Mais il nÕest pas forcŽment de type dŽlibŽratif, nous ne nous le reprŽsentons pas sur le mode formel-dŽsimpliquŽ du cochage dÕune case plut™t que dÕune autre, dans la suspension qui prŽcde lÕoption : nous voyons plut™t lÕengagement comme quelque chose qui se dessine en nous, et ˆ quoi nous consentons, nous cŽdons, ˆ lÕoccasion du basculement qui est le dŽclic de lÕacte mme. Dans le cadre du modle de lÕacte de langage, la dŽcision prend quelque chose des caractres de la projection fondamentale de lÕætre-au-monde chez Heidegger ou Merleau-Ponty, surtout chez ce dernier qui dŽcrit en gŽnŽrale lÕactivitŽ du corps dans ce genre de termes. On peut, je crois, rŽsumer de manire assez satisfaisante et suggestive sa pensŽe en disant quÕil envisage lÕengagement du corps dans son monde comme le mouvement de lÕexpressivitŽ, cÕest-ˆ-dire comme la venue au jour dÕune parole, ou, mieux encore, dÕun acte de langage austinien (un acte instituant).

On Žvoquera, pour conclure cette section, lՎcho ou le commentaire que lui apporte dans le domaine des recherches cognitives lÕexpŽrience de Libet. On sait de quoi il sÕagit : par le biais dÕun dispositif expŽrimental de psychologie subtil, dans lequel interviennent de plus des capteurs physiologiques du potentiel musculaire, on a pu constater, avec une certaine fiabilitŽ au moins en premire apparence, que, dans une situation de dŽcision simple motivŽe par un ŽvŽnement du champ perceptif, o la dŽcision doit tre manifestŽe par un geste, la prŽparation motrice physiologique du geste prŽcŽdait dans le temps la formation consciente du vÏu dÕagir. Ce rŽsultat en un sens parfaitement paradoxal appelle des commentaires variŽs, plus ou moins satisfaisants. Nous dirons ici seulement quÕil donne une version empirique de la sorte de dŽcision qui nous a paru convenir au modle de lÕacte de langage : la poussŽe en faveur de lÕacte prŽcde la dŽcision si lÕon appelle dŽcision, comme cela para”t adŽquat, le consentement exprs du sujet ˆ cette poussŽe.

Le type dÕimplication-rassemblement requis pour lÕaction du type acte de langage nous conduit donc ˆ envisager la dŽcision sur un mode analogue ˆ lÕengagement merleau-pontien du corps par lequel nous sommes au monde, ou encore sur un mode analogue ˆ la dŽcision gestuelle telle que restituŽe par les recherches psychologiques empiriques actuelles.

Reste ˆ regarder le modle de la construction.

La construc­tion

Typiquement, une action au sens du modle de la construc­tion est la fabrication dÕun objet suivant une clause rŽcursive. Dans ce cas, je vais donc chercher mon modle non plus du c™tŽ de la physique et de son idŽe des processus comme avec le modle de lÕactualisation, ni du c™tŽ de la description thŽorique du langage comme avec le modle de lÕacte de langage, mais du c™tŽ de la mathŽ­ma­tique, ou mme, plus exactement du c™tŽ du fondement des mathŽ­ma­tiques. LÕidŽe de construc­tion est en effet apparue dans le discours quÕopposait L.E.J. Brouwer, topologue rebelle, ˆ la mise en place de la mathŽ­ma­tique formelle contemporaine ˆ laquelle se livrait D. Hilbert ˆ la mme Žpoque, au dŽbut du vingtime sicle. Le domaine des construc­tions est, pour Brouwer, le domaine des objets (et des raisonnements attenants) que tous les mathŽmaticiens ont en partage, qui est seul porteur de certitude : selon lui, en sÕengageant au-delˆ de ce domaine dans lÕaventure formaliste, les mathŽ­ma­tiques changent dÕobjet et de rŽgime de vŽritŽ. LÕobjet constructif est donc, pour Brouwer et pour toute la lignŽe dite ÒconstructivisteÓ de ceux qui ont la mme sensibilitŽ que lui, lÕobjet originaire, lÕobjet fondamental de la mathŽ­ma­tique. Il se trouve seulement que cet objet ne peut pas tre conu comme Žtant inerte, il nÕest pas dÕabord une stabilitŽ indŽpendante faisant face, il est, prŽcisŽment, construit. Il relve de ce que jÕai appelŽ parfois la prŽsentation agie. Ce qui ne lÕempche pas de motiver une intuition forte chez les mathŽmaticiens, de donner matire ˆ un voir comme spŽcifique sur lequel se fonde la pensŽe mathŽ­ma­tique comme telle. Nous avons donc, du c™tŽ de la mathŽ­ma­tique constructive, lÕidŽe dÕun objet liŽ ˆ un mode typique dÕaction, la construc­tion. Ma thse est que cette Òfigure de lÕactionÓ dÕune part satisfait ˆ sa dŽfinition gŽnŽrale, dÕautre part a une valeur philo­so­phique exemplaire qui va bien au-delˆ du contexte mathŽ­ma­tique ou logico-mathŽ­ma­tique.

Essayons dÕabord, il le faut, dÕexpliquer ce quÕest une construc­tion au sens du constructivisme. Comme je lÕai dit, une construc­tion se tient nŽcessairement dans le cadre dÕune clause rŽcursive. Une clause rŽcursive expose comment engendrer des objets, prŽsente synthŽtiquement une classe dÕobjets. Elle le fait non pas en Žnonant une caractŽristique – une diffŽrence spŽcifique – des objets en cause au sein dÕune catŽgorie supposŽe dŽjˆ connue, ce qui permet la recognition, mais en donnant dÕune part une liste dÕobjets primitifs dont il est posŽ quÕils sont membres de la classe, dÕautre part un ensemble de moyens de fabrications dont il est dit que, si on les applique ˆ des objets de la classe, ils produisent un nouvel objet de la classe. La clause rŽcursive met ainsi en scne la classe de tous les objets que lÕon peut Žlaborer ˆ partir des objets primitifs, en faisant jouer, de manire enchassŽe et rŽitŽrŽe, les procŽdŽs de fabrication ad libitum. Sauf quÕil faut sÕarrter ˆ un moment pour tŽmoigner de lÕachvement dÕune construc­tion. Le plus simple est toujours, pour donner vie ˆ cette dŽfinition, de prendre un exemple ou deux.

LÕexemple le plus simple est celui des trains, dont on dŽfinit la classe comme suit.

Un train est

i) un wagon [train primitif] ;

ii) le rŽsultat de la concatŽnation dÕun wagon ˆ un train [mode de fabrication] ;

iii) rien que cela.

Cette dŽfinition a un tour circulaire (le mot train est employŽ dans la dŽfinition dÕun train), mais elle est une bonne dŽfinition, elle nous explique vraiment comment fabriquer des trains. Avec cette dŽfinition, nous tenons le train de base ˆ un wagon, mais aussi, par application de la clause ii), le train obtenu en attachant un wagon ˆ ce premier train, cÕest-ˆ-dire le train de deux wagons, et ainsi de suite. La clause de cl™ture iii) est lˆ pour nous dire que la fabrication des trains doit consister uniquement en la convocation de trains primitifs et la mise en Ïuvre de procŽdŽs de fabrication rŽpertoriŽs : la clause rŽcursive nous ouvre une libertŽ, mais nous encha”ne ˆ son jeu, nous renonons ˆ toute autre voie pratique en la suivant.

Cet exemple est excellent, mais il est un peu trop simple pour montrer la notion dans sa gŽnŽricitŽ. Il faut en endurer un autre, un peu idiot mais adaptŽ ˆ sa fonction pŽdagogique. Disons donc quÕun sphoum  est

i) une des Žcritures a, ay ou ba [sphoums primitifs] ;

ii) une Žcriture STS et T sont des sphoums [mode de fabrication] ;

iii) une Žcriture du type €SS est un sphoum [mode de fabrication] ;

iv) rien que cela.

Nous arrivons alors ˆ la conclusion que €aay€ba est un sphoum. En  effet

a est un sphoum [i)]

ay est un sphoum [i)]

aay est un sphoum [ii)]

€aay est un sphoum [iii)]

b est un sphoum [i)]

ba est un sphoum [ii)]

€ba est un sphoum [iii)]

€aay€ba est un sphoum [ii)]

Cette ÒdŽmonstrationÓ en huit lignes est cependant fastidieuse et place du c™tŽ du jugement ce qui appartient ˆ lՎlaboration dÕobjet. Le mathŽmaticien prŽfŽrera rŽsumer lÕaffaire dans un arbre de production :

Ce dessin figure sous nos yeux dÕun seul coup la sŽquence des applications de rgles, des mise en jeu de clauses en laquelle a consistŽ la construc­tion de €aay€ba. Elle nous montre le sphoum €aay€ba comme sphoum, et nous invite ˆ vrai dire ˆ le voir comme lÕarticulation que lÕarbre prŽsente : en particulier toute connais­sance certaine et valide des sphoums les envisage en termes de la structure arborescente qui retrace leur construc­tion, et que par consŽquent ces sphoums sont.

Nous en savons assez pour exposer la convenance de la construc­tion au sens qui vient dՐtre spŽcifiŽ avec la dŽfinition gŽnŽrale de lÕaction.

Tout dÕabord, nous pouvons reconna”tre dans la construction dÕun objet suivant une clause rŽcursive, rapportŽe par un arbre de production, un processus du type impulsion rŽsultative : lÕimpulsion est divisŽe en une sŽquence dÕimpulsions ŽlŽmentaires, une impulsion est donnŽe ˆ la construc­tion chaque fois quÕune rgle de la clause rŽcursive est appliquŽe. On aurait pu mobiliser dÕautres sphoums ŽlŽmentaires que a, ay, b et a, au aurait pu faire appel au principe de concatŽnation et au principe de prŽfixage par dans un autre ordre, ˆ un autre rythme, en sorte quÕun autre assemblage aurait ŽtŽ produit. Chaque nÏud de lÕarbre tŽmoigne dÕune impulsion ŽlŽmentaire. LÕarbre est, dÕun c™tŽ, la mŽmoire consignŽe de ces impulsions, de lÕautre, il est la prŽsentation du construit dans son articulation. Il ÒincarneÓ donc littŽralement lÕimpulsion rŽsultative, une impulsion sŽquentielle constamment insŽparable du construit quÕelle fait advenir, montre, prŽsente. Chaque nÏud est dÕailleurs, en mme temps que le signe dÕun choix, dÕune impulsion ŽlŽmentaire, le moment dÕachvement dÕune construction partielle, dÕun Òsous-sphoumÓ du sphoum qui sera construit finalement. La reprŽsentation par arbre des objets comme construc­tions est en fait exactement leur mise en relief comme rŽsultats dÕune impulsion rŽsultative. Elle fixe dÕailleurs, rappelons-le dans ce contexte, la norme du regard attendu sur les construc­tions, lÕintuition lŽgitime et autorisŽe des objets construits est lÕintuition de ceux-ci dans leur articulation, que rŽvle lÕarbre.

Quid, faut-il demander, du c™tŽ comportement de lÕaction, du supp™t qui sÕimplique et se rassemble en lÕimpulsion rŽsultative ? Ce supp™t est bien Žvidemment fort particulier, dans ce cas o, visiblement, nous identifions un mode formel de lÕaction : les constructions sont des comportements formels, notre but est de comprendre que les comportements formels restent de vrais comportements.

JÕen vois la justification dans la superposition nŽcessaire de trois ÒdimensionsÓ ou niveaux qui sÕaccomplit dans chaque construc­tion. Pour une part, la construc­tion renvoie ˆ un parcours noŽtique, ˆ ce cheminement mental qui est celui de la responsabilitŽ des impulsions dÕune part, de la ÒpositionÓ noŽma­tique du rŽsultat dÕautre part. Pour une autre part, la construc­tion renvoie ˆ un dire possible de ses Žtapes, choix dÕapplication de rgles et Žnonciation de sous-objets, on peut ÒraconterÓ la construc­tion dans un dire Žpelant la succession de ses Žtapes, ˆ la fois comme impulsion ŽlŽmentaire et comme construc­tion provisoire : la ÒdŽmon­strationÓ linŽaire que le sphoum est un sphoum donnŽe plus haut explicite ˆ peu prs la construc­tion comme dire. Pour une troisime et dernire part, la construc­tion sÕannonce dans lÕarbre inscrit qui la retrace tout en manifestant lÕarticulation du construit : cÕest comme chose Žcrite, conventionnellement Žcrite, diagramme partagŽ et transmis, que la construc­tion se conna”t, se montre, se communique volontiers. Or, le propre du geste constructif, ce qui lui confre en particulier son Žminente valeur fondationnelle, est que ces trois modalitŽs de manifestation ou dÕeffectivitŽ qui lui reviennent ordinairement et constamment sont pour ce qui le regarde Žquivalentes : du point de vue propre de ce qui est construction suivant une clause rŽcursive, la question de savoir si la construction est mentalement accomplie, verbalement racontŽe ou scripturalement affichŽe est indiffŽrente, le geste constructif se reconna”t comme le mme, comme non trahi dans chacune de ces modalitŽs. En sorte que la ÒtraductionÓ de la construc­tion dÕun ordre ˆ lÕautre appartient dans son immŽdiate Žvidence ˆ la chose mme en lÕoccurrence, ou plus exactement au type dÕexigence qui est en jeu dans lÕidŽe dÕobjectivitŽ constructive.

En sorte quÕil me semble nŽcessaire de dire quÕil y a bien un supp™t qui sÕimplique et se rassemble dans le comportement formel quÕest la construc­tion : ce Òsupp™tÓ est un pouvoir de gestes[6] sÕidentifiant lui-mme dans trois ordres, celui de la parole, de la conscience et de lՎcriture simultanŽment. Dans dÕautres Žcrits[7], jÕai cru bon dÕappeler corps idŽal le supp™t en question, qui nÕest ni une conscience-sujet classique, ni un corps sensible classique (pas mme une chair phŽno­mŽ­no­lo­gique) : qui, en particulier, agit toujours dÕemblŽe au niveau de lÕidŽalitŽ, mme sÕil faut en mme temps affirmer avec force quÕil se manifeste par des gestes, au dernier moment et en dernire analyse des gestes concrets de phonation, de traage ou de frappe (au clavier).

Mais ce qui nous occupe pour le moment est lÕidŽe que nous pouvons nous faire de la dŽcision si nous nous plaons dans un tel contexte, si nous acceptons que lÕaction prenne le visage de la construc­tion.

Nous lÕavons dit, dŽjˆ, en premire apparence : lÕaction est la sŽlection de rgle, lÕapplication de rgles. Les ŽlŽments dÕimpulsion dont nous avons parlŽ sont clairement, dans le contexte de cette notion dÕaction, des options contingentes qui ÒdŽcidentÓ collectivement ce que sera lÕobjet construit. La notion de dŽcision quÕincorpore implicitement cette notion dÕaction semble donc la notion classique dÕoption contingente parmi un rŽpertoire fini, discret. On peut et on doit mme peut-tre se reprŽsenter sur le mode dŽlibŽrativiste ces micro-dŽcisions formelles : aprs tout, cÕest mme ce qui a lieu ouvertement dans certaines rŽalisations de lÕIntelligence Artificielle, puisquÕaussi bien des programmes nourris dÕun ensemble de rgles consignant lÕexpertise quÕils sont censŽs simuler sont de plus dotŽs de mŽta-rgles les instruisant de critres en fonction desquels choisir de dŽclencher telle ou telle rgle sur une entrŽe donnŽe (ce qui ouvre a priori une rŽgression ˆ lÕinfini, on le voit).

Je voudrais nŽanmoins proposer deux remarques, de nature ˆ rendre, je lÕespre, plus subtile la mŽditation sur le problme de la dŽcision dans ce contexte.

La premire porte sur lÕoption discrte ŽlŽmentaire, dont ce qui prŽcde ne dit pas suffisamment le caractre en un sens mystŽrieux. Je me rŽfŽrerai, pour tenter de lÕexpliquer, ˆ une expŽrience ÒadministrativeÓ qui me semble instructive. Lorsque lÕon est Žlu ˆ un poste dans lÕenseignement supŽrieur au moins (mais probablement en va-t-il aujourdÕhui de mme dans plusieurs autre situations analogues, je demande quÕon soit indulgent avec le ÒprovincialismeÓ de mon exemple), on doit, dans une pŽriode temporelle bien dŽfinie, manifester son acceptation du poste par Minitel. LorsquÕon entre dans le dialogue prŽvu par le logiciel du Minitel ˆ cet effet, on arrive finalement ˆ un Žcran o les deux options oui et non figurent, ainsi que lÕindication des touches ˆ frapper pour allumer lÕune des options et Žteindre lÕautre. Toute personne qui a traversŽ cette situation peut tŽmoigner, je crois, de sa bizarrerie, et mme, de son caractre franchement angoissant : on appuie la bonne touche en tremblant, non sans redouter de sՐtre trompŽ, et dÕavoir de manire irrŽversible Žmis le mauvais signal.

La raison en est que, je crois, la pure et simple impulsion ŽlŽmentaire dans le comportement formel, la sŽlection-application de rgle, nÕest pas ressentie par nous comme susceptible de porter et dÕexprimer une vŽritable dŽcision humaine, mme si cette dŽcision, dans son sens, se limite ˆ celle dÕune  acceptation ou dÕun refus, et, donc, admet logiquement la rŽduction ˆ une option formelle. Nous pensons spontanŽment quÕune phrase dÕacceptation (un acte de langage), ou mme une lettre consignant un texte dÕacceptation, voire un dŽplacement de la personne vers un lieu et un interlocuteur seraient requis pour exprimer (symboliser ?) la dŽcision dont il sÕagit. Mme sÕil y a une notion de dŽcision enveloppŽe dans la notion de lÕaction comme construc­tion, elle ne convient pas nŽcessairement ˆ la reprŽsentation philo­so­phique de toute dŽcision humaine.

La seconde de mes remarques aura pour but de critiquer de manire interne lÕidŽe que la sŽlection-application de rgle, lÕimpulsion ŽlŽmentaire dans le procs constructif, soit la bonne identification de la dŽcision dans ce contexte. On peut estimer ˆ lÕinverse, en effet, que la ÒvraieÓ dŽcision est la dŽcision globale enveloppant toutes les dŽcisions ŽlŽmentaires, la dŽcision coextensive ˆ la construc­tion dans sa totalitŽ : une dŽcision que reprŽsente encore une fois lÕarbre, en mme temps quÕil reprŽsente le construit.

Nous avons un indice historique plaidant en ce sens : cÕest celui de la notion logique de dŽcision dÕune formule dans un systme formel, notion qui conduit, on le sait, au fameux thŽorme dÕincomplŽtude de Gšdel, Žtablissant lÕexistence dՎnoncŽs indŽcidables dans tout systme formel assez riche pour exprimer lÕarithmŽtique.

Cette notion logique de dŽcision est en effet la suivante : une formule X est dite dŽcidŽe si nous disposons dÕune preuve dans le systme formel de rŽfŽrence[8] de X ou de ¯X ; elle appara”t donc comme indŽcidable si ni X ni ¯X ne sont prouvables, fait quÕil sÕagirait de ÒprouverÓ ˆ un autre niveau, mŽta-logique ou mŽta-mathŽ­ma­tique. DŽcider une formule, cÕest donc prouver cette formule elle-mme ou sa nŽgation. On ÒditÓ dŽcider, apparemment, parce quÕon juge quÕune preuve de X ou de ¯X tranche quant ˆ la vŽritŽ au sujet de X : le Òmode dÕinfŽrenceÓa ŽtŽ conu tel que tout ce qui est prouvŽ soit vrai, donc si nous avons une preuve de X ou de ¯X, nous savons si X est vrai ou faux. Pourtant, ce que nous appelons directement dŽcider est plut™t trancher quant ˆ la dŽductibilitŽ, mais en impliquant ˆ la fois X et la formule symŽtrique de X quant ˆ la vŽritŽ, ¯X. En tout Žtat de cause, dŽcider X, cÕest exhiber une preuve de X ou de ¯X. Or, exhiber une preuve dÕune formule, cÕest manifester cette formule comme membre de la classe constructive des thŽormes pour le mode dÕinfŽrence considŽrŽ, classe dont les objets primitifs sont les axiomes et les rgles de fabrication les rgles dÕinfŽrence. Une dŽcision consiste donc en lÕoccurrence en lÕencha”nement complet des dŽcisions ŽlŽmentaires, des sŽlections-applications de rgles conduisant ˆ la synthse de X ou ¯X comme thŽorme.

Une telle notion de dŽcision est originale et mŽrite quÕon sÕy arrte un moment, pour en bien dŽcrire les aspects temporels.

DÕun c™tŽ, en effet, elle sÕapparente ˆ la dŽcision du modle dŽlibŽrativiste, puisquÕelle met en balance originairement X et ¯X, le ÒchoixÓ semble consister en lÕoption boolŽenne-discrte pour lÕun ou lÕautre des deux membres opposŽs dÕune alternative. LÕhistoire peut, ˆ cet Žgard, montrer le temps long dÕune hŽsitation, comme le cas de la proposition de Fermat, dŽmontrŽe plus de deux sicles aprs sa conjecture, en donne lÕexemple Žclatant. LÕinstant o une preuve est acquise scinde alors lÕhistoire de lÕhumanitŽ en deux : ÒaprsÓ, ce qui Žtait indŽfiniment connu comme en balance sera toujours comptŽ comme Žtabli. Vu de loin lÕhistoire de cette dŽcision semble lÕhistoire dÕun long atermoiement de lÕhumanitŽ mathŽmaticienne, qui a finalement basculŽ irrŽmŽdiablement dÕun des deux c™tŽs.

Mais nous devons regarder les choses autrement, et reconna”tre quÕil nÕy a pas, dans ce cas de dŽcision, le couple ambigu de la motivation et du choix lui-mme : on ne peut pas distinguer des motivations dont la somme motiverait un choix distinct dÕelles. Ce qui vient apparemment ˆ la place des motivations est ici la preuve elle-mme. Celle-ci est un ensemble, quÕon peut bien se reprŽsenter avec une certaine vŽritŽ comme progressivement acquis, peut-tre ˆ travers le double jeu du cha”nage avant et du cha”nage arrire, les mathŽmaticiens cherchant dÕune part ˆ rŽduire le but ˆ prouver ˆ des intermŽdiaires plus traitables, dÕautre part ˆ dŽriver des propositions acquises d'autres propositions de nature ˆ forcer ˆ la longue le but jugent-ils (pourtant, il arrivera dans certains cas quÕune preuve arrive toute faite dans le travail dÕun homme sans avoir ŽtŽ esquissŽe auparavant par lui ou par aucun autre). Mais cet ensemble ne compte pas comme motivation sŽparable du choix, il est le choix lui mme, synthŽtisŽ suivant la clause rŽcursive, il est lÕarbre rŽsumant la synthse du thŽorme comme tel, le manifestant comme construit. La dŽcision appara”t donc comme dispersŽe dans la sŽrie ramifiŽe des dŽcisions ŽlŽmentaires, comme non ponctuelle et synthŽtique, comme ayant son temps propre, temps de la construc­tion Žtranger au temps de la perplexitŽ et de la dŽlibŽration.

Cela revient encore ˆ dire que la dŽcision de lÕaction est ici lÕaction elle-mme, ou encore, pour revenir au langage dans lequel ces choses spontanŽment se disent, la dŽcision est dŽcision du construit de lÕaction, au sens o, en le construisant, on le valide par rapport ˆ une alternative rŽgulatrice, celle de la vŽritŽ : il est tout particulirement pertinent ici de prŽsenter la ÒdŽcisionÓ synthŽtique immanente ˆ la construc­tion comme dŽcision de son rŽsultat parce que ce dernier se trouve soumis, par ailleurs et de manire ÒtranscendanteÓ ˆ lÕhorizon de construc­tion, ˆ lÕenjeu de vŽritŽ.

Nous voici au terme de lÕexamen des notions ou conceptions de la dŽcision qui apparaissent comme enveloppŽes dans nos trois modles de lÕaction. Le temps est donc venu de nous demander si quelque conclusion gŽnŽrale pourrait se laisser extraire dÕun tel examen, conclusion qui se rattacherait nŽcessairement non plus aux trois modles, mais ˆ la dŽfinition gŽnŽrale.

Conclusion

Formellement, nos rŽsultats seraient donc les suivants :

— si lÕaction est vue comme actualisation, sa dŽcision est ou bien niŽe comme moment de contingence, pour ainsi dire absorbŽe et digŽrŽe par le continu et la nŽcessitŽ, ou bien elle est maintenue au nom de la reprŽ­sen­tation cantorienne, mais semble alors une dŽcision divine, prŽsupposant lÕinfinie ma”trise de lÕinfini ;

— si lÕaction est vue comme acte de langage, la dŽcision appara”t comme de lÕordre dÕun engagement qui se lve en moi sans que je le dŽlibre. LÕaction est contingente sans tre projetŽe, elle intgre dans le mouvement contingent quÕelle est sa dŽcision, en quelque sorte. La dŽcision, par consŽquent, nÕest pas marquŽe comme telle sŽparŽment dans ce modle ;

— si lÕaction est construc­tion, la dŽcision se divise en une sŽrie ramifiŽe de micro-dŽcisions, de sŽlections-applications de rgles. Mais la vraie dŽcision est la dŽcision globale synthse de ces micro-dŽcisions, reprŽsentŽe par lÕarbre de construc­tion. La dŽcision est dŽcision du construit, du rŽsultat, lÕaction dans son ensemble, comme synthse du construit, est dŽcision, tout se passe comme si lÕaction se rŽsorbait cette fois dans la forme sŽlective-contingente de la dŽcision.

Quel enseignement gŽnŽral peut-il tre tirŽ de ces trois analyses ?

Au moins celui-ci : ds quÕon se donne une dŽfinition de lÕaction qui excde franchement le modle dŽlibŽratif, on voit appara”tre une certaine fragilitŽ  Òonto­lo­giqueÓ de la dŽcision, dont la sŽparation dÕavec le corps de lÕaction pose problme : le continu du processus, la signi­fi­cation dynamique de la notion dÕengagement, ou, tout ˆ lÕinverse, la dŽcomposition de la dŽcision en articulations fines de lÕaction y font obstacle.

Cette sŽparation, ˆ lՎvidence, est la grande idŽe du modle dŽlibŽrativiste. Nous avons dŽjˆ commencŽ, dans le langage de notre monde et notre usage du monde, dÕutiliser le mot dŽcision en oubliant ce modle, en ne concevant plus la dŽcision que comme la ÒchuteÓ de provenance – pour ainsi dire – dÕune action. Selon que lÕaction vaut comme action au titre de tel ou tel modle, ces utilisations enveloppent des interprŽtations diverses de la notion de dŽcision, nŽcessairement dŽcalŽes par rapport au schme dŽlibŽrativiste. Il est singulier de voir que ce schme se voit occultŽ mme dans le cas o il triomphe, dans le cas o il nÕy a plus, apparemment, que de la sŽlection discrte contingente, ˆ savoir dans le cas de la construc­tion. Dans ce cas, en effet, lÕaction sՎgalise ˆ tel point ˆ son squelette dŽcisoire quÕelle sÕabsorbe en lui, et nÕen est donc pas non plus sŽparable.

La dŽfinition gŽnŽrale de lÕaction, pourtant, laisse une place thŽorique ˆ la dŽcision : la notion dÕimplication renvoie au rattachement du supp™t au corps processuel de lÕaction (ˆ lÕimpulsion rŽsultative). En principe, nous comprenons a priori quÕune dŽcision consiste dans une superposition de mode variable entre cette implication et lÕimpulsion. Notre Žtude aura fourni dans trois cas quelques prŽcisions sur ce que peut tre cette superposition.

 

J.-M. Salanskis

Professeur de Philosophie des sciences, Logique et ƒpistŽmologie

A l'UniversitŽ de Paris X Nanterre



[1]. Est-ce absolument nŽcessaire ? Les options de la dŽlibŽration ne peuvent-elles pas tre, par exemple, un Ç je le quitte È ou Ç je reste avec lui È non propositionnel, purement sentimentaux ? Il est symptomatique, nŽanmoins, que nous en rendions compte encore, dans lÕexemple qui prŽcde, sur le mode propositionnel, et sans sortir du schme gŽnŽral Ç P ou non P È.

[2]. Paris, LÕHarmattan, 2000.

[3]Essai sur les donnŽes immŽdiates de la conscience, Paris, PUF, 1927, 6¡ Ždition 1997, 133-134.

[4]. Comme lÕillustre le cas de la fonction f donnŽe par xae-1/x2 pour x>0 et xa0 pour x²0 dÕune part, la fonction nulle sur R dÕautre part : on peut les voir comme ÒexposantÓ deux destins trajectoriels absolument solidaires jusqu'ˆ la date t=0 y compris au niveau de tout ce qui peut tre enregistrŽ comme tendance, mais bifurquant tout de mme de manire spectaculaire dans le secteur t>0.

[5]. Dans l'exemple, on pourra dire que PxëR Rx ¹ ® avec Rx=R pour tout x)

[6]. Je reprends ˆ Pierre Cassou-Nogus un langage qu'il a lui-mme dŽrivŽ de Cavaills. Cf. Cassou-Nogus, P.., 2001, De l'expŽrience mathŽ­ma­tique, Essai sur la philosophie des sciences de J. Cavaills, Paris, Vrin.

[7]. Cf. Sens et philosophie du sens, Paris, 2001, DesclŽe de Brouwer, p.174-183.

[8]. Le Òmode dÕinfŽrenceÓ donnant sa rgle et sa signi­fi­cation ˆ la notion de preuve.